Après un Lullabies
to Paralyse excellent mais traînant en longueur et un Era Vulgaris qui avait déçu, les attentes étaient contrastées pour ce nouvel album et pour beaucoup, le groupe ne pourrait jamais égaler son glorieux passé. De son côté, Josh Homme en a profité
pour multiplier les projets : Them Crooked Vultures, Eagles of Death Metal, mais un évènement est venu enrailler la machine. En 2010, lors d’une
intervention chirurgicale bénigne, le cœur de Homme s’arrête, il prétend même
qu’il est resté mort pendant ces cours instants. Alité pendant des mois, Homme perd totalement le gout pour la musique et se voit très
bien décrocher, avant d’être rattrapé par ce besoin vital de création, prouvant
qu’après les déceptions,
Homme avait encore quelque chose à raconter, et ce quelque chose s’intitule ...Like Clockwork. Le
titre de l’album, «réglé comme du papier à musique» décrit exactement ce que n’a pas été le processus de création de l’album, entre sa
convalescence et ses problèmes personnels avec son ami Joey Castillo batteur du
groupe qui vont causer son départ, Homme et ses acolytes ont tellement répété cette expression comme un
mantra qu’elle en est devenue le titre de l’album.
Sur la pochette signée par le street artist
britannique Boneface, la première lettre du nom du groupe est brisée par
un trait de peinture rageur dont le bleu contraste avec le fond rouge vif, le
message est clair : Homme a décidé de faire ce qu’il veut de son groupe quitte
à se mettre à dos les amateurs des débuts. Dès les
premières minutes Homme invite ses auditeurs avec un bel oxymore à
faire abstraction du passé "Don’t look just keep your eyes peeled" (ne regarde
pas, sois seulement attentif). L’album s’ouvre sur un rythme lent marqué par une
batterie lourde et un charleston étouffant, souligné par la basse de Michael
Shuman. Le chant et la guitare de Homme semblent essayer de s’échapper mais
sont rattrapé par cette ambiance pesante, le reste du morceau achève de clouer
l’auditeur à son siège pris par les changements de tempos et les breaks
incessants. Beaucoup ont reproché à l’album d’être généralement mid tempo et
il est vrai que le rythme n’est pas aussi rapide que sur les autres galettes
du groupe, et que les Queens n’ont pas ressorti l’artillerie lourde et les murs
de guitares comme auparavant. Cependant, considérer QOTSA comme un groupe de rock lourd et hypnotique n'est pas tout à fait exact, Homme a toujours écrit des chansons aux accents
pop et on retrouve le talent de l’américain pour les mélodies accrocheuses dans "I Sat by the Ocean" ou "If I Had a Tail" par exemple. Il serait cependant malhonnête de
prétendre que le discours du groupe s’est simplifié afin de plaire aux radios
comme l’ont fait certains fans déçus. L’ambiance générale de l’album est
mélancolique et sombre, dérangeante même à certains moments comme sur le court métrage qui
accompagne les musiques de l’album, toujours signé par Boneface. Si les
guitares ne sont plus les rampes de lancement des morceaux comme c'était le cas avant, (ils sont parfois
construits autour du piano : "…Like Clockwork", "The Vampire of Time and Memory", ou de
la basse : "Keep your eyes peeled") elles occupent toujours la place la plus
importante et les solos sont toujours très inspirés. Ce qui n'a pas plu aux fans c'est plutôt que le groupe a changé de registre sans toutefois perdre en personalité, cette volonté d'aller vers l'avant sans oublier le passé se retrouve dans le titre "My God is the Sun". Cette chanson,
qui aurait pu très bien être un avatar de "No One Knows" ou "In My Head", garde une
retenu grâce au travail sur les arrangements et la production (les claviers inquiétants
à mi-parcours) au profit d’une certaine mélancolie et de la cohérence de l’ensemble.
Le registre de Homme s’est aussi élargi, on passe d’une ballade comme "The
Vampyre" aux ambiances funky et décadentes de "If I had a Tail" avant de se
retrouver dans le délire dandy "Fairweather Friends". La production est impeccable
(les guitares comme les autres instruments sonnent formidablement bien), et les
arrangements sont très fouillés et subtiles comme sur "Kalopsia" et son travail sur
les claviers et les guitares (cool et surf music dans les couplets avant de se déchaîner
sur les refrains).
Image de la vidéo de "I Appear Missing" par Boneface |
En dépit cette diversité, …Like Clockwork est un album qui garde une fantastique unité, il suit
une réelle progression commençant lourdement pour s’achever de manière
grandiose. Car même si il n’y a aucune chanson superflue ou en deçà du reste, la
fin de l’album est certainement aussi son acmé. "I Appear Missing", déjà un
classique du groupe, s’ouvre comme une ballade lancinante sur un
rythme fracassant, ses multiples breaks, changements de rythme, et contretemps en font une incroyable montagne russe, la tension s’emballe plusieurs fois
avant de retomber brusquement au moment même elle est prête à exploser, le tout
s’achève lors d’un final dantesque lors duquel la guitare slide explose dans
une mélodie à vous coller des frissons des pieds à la tête, soulignée par le reste du groupe et la basse dont la mélodie est ensuite reprise par le chant. Cette quasi-instantanéité entre la lourdeur des riffs saturés et les passages majestueux portés par les guitares claires était déjà présente dans d'autre morceaux de QOTSA, elle atteint ici son apogée. A la fin de cette incroyable coda, le piano revient pour un dernier morceau, "...Like Clockwork", sur lequel le chant de Homme repasse dans les aigües, sa voix, au fil des ans a acquis une maîtrise
et une maturité formidable, mais "…Like Clockwork" n’est
pas qu’une simple ballade, la guitare et le reste du groupe se rejoignent pour
un dernier moment de grâce et un solo incandescent, les mots de
Homme « It's all down hill from here» (ce sera plus facile maintenant) terminent le disque,
après les épreuves arrive l’acceptation, l’amertume s'adoucit et l’album s’achève
dans une conclusion lumineuse.