lundi 15 novembre 2010

Terry Riley : Persian Surgery Dervishes




Terry Riley est un compositeur américain de musique contemporaine, il a débuté dans les années 60 et son œuvre a eu une influence très importante que ce soit dans la musique contemporaine (Philip Glass notamment qui continué dans la veine minimaliste et répétitive), ou même dans le rock et les musiques électroniques (Pete Townsend des Who lui à même dédié un morceau, car c’est bien lui le Riley de Baba O’Riley qui ouvre l’album Who’s next en 1971). Riley, influencé par les musiques orientales, va très vite chercher à créer un nouveau vocabulaire musical, et va développer très tôt un goût pour les boucles et les répétitions. In C l’un des piliers de Riley écrit en 1964, est une performance pour un orchestre d’une trentaine de musiciens, chaque instrumentiste doit répéter un certain nombre de motifs plus ou moins longs, et choisi lui-même le nombre de répétitions avant de passer au motif suivant, il peut aussi s’arrêter pour écouter l’ensemble et l’harmonie. C’est une œuvre exigeante et complexe, difficile à l’écoute mais absolument fascinante dans son concept, et on retrouve déjà deux obsessions de Riley, les boucles et l’improvisation. 

A la fin des années 60 et au début des années 70 Riley donne des concerts qui durent toute une nuit, lors desquels il joue seul avec un orgue électrique et un système d’écho. Ce sont deux de ces performances, une à Los Angeles en 71 et une autre à Paris en 72, qui ont été enregistrées et sont sorties sur un double album par le label français Shandar sous le nom Persian Surgery Dervishes. Riley élabore une rythmique en utilisant les basses d’orgue dupliquées à l’infini grâce au système d’écho et, c’est sur cette base rythmique lancinante (modifiée de temps à autres), qu’il improvise des motifs mélodiques répétitifs, des boucles, parfois ce sont des motifs rapides qui rappellent les arabesques orientales, à d’autres moments ce sont des mélodies plus lentes, et mélancoliques, ces motifs aussi s’entrecroisent pour donner un enchevêtrement de boucles et de sonorités. Ces tourbillons pourraient s’avérer redondant d’autant plus qu’ils s’étendent sur quatre morceaux de vingt minutes (correspondant aux quatre faces du double vinyle), ils sont au contraire fascinant car ils nous embarquent très loin dans une espèce d’expérience mystique.

Mais pourquoi les boucles de Riley sont-elles aussi fascinantes ? Le caractère improvisateur de cette musique apporte un sentiment d’inattendu, on ne sait jamais si le rythme va s’emballer, on ne sait pas vers quel climat l’on va tendre, les choses peuvent devenir étranges ou familières, parfois les deux en même temps. Quand on écoute la musique de Riley on est pris par un genre de sentiment d’être hors du temps, les boucles ne vont pas d’un point A à un point B, elles évoluent sans cesse, le compositeur nous amène loin dans ses tourbillons, et dans cette musique solennelle et magnifique, l’impression quasi-métaphysique de se retrouver face à l’infini.  Il y a quelque chose de définitivement mystique (et le fait que Riley utilise l’orgue renforce cette impression), car le caractère hors du temps et répétitif de cette œuvre nous ramène vers quelque chose de mystique, cela vient aussi de la beauté du dépouillement, de la simplicité de l’œuvre,  la présence solitaire de cet orgue électrique renforce le minimalisme musical et donne un sentiment encore plus troublant (et qui fait un peu penser aux œuvres pour piano solo de Philip Glass). Riley disait que la fascination pour les boucles venait du fait que c’est une série d’évènements qui se répètent sans cesse et qu’au bout d’un moment on devient familier avec ces évènements, cette familiarité permet d’entendre de nouvelles choses, et des nouvelles richesses. On peut penser qu’au fil de la nuit, et avec la fatigue accumulée Riley, laisse peut-être plus exprimer ses sentiments, à certains moment on a même l’impression que le jeu du compositeur devient quelque peu maladroit même si il fait preuve d’une maîtrise technique impressionnante, ce qui au final rend cette expérience encore plus fascinante et humaine.

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