vendredi 28 juin 2013

Queens of the Stone Age : ...Like Clockwork


Après un Lullabies to Paralyse excellent mais traînant en longueur et un Era Vulgaris qui avait déçu, les attentes étaient contrastées pour ce nouvel album et pour beaucoup, le groupe ne pourrait jamais égaler son glorieux passé. De son côté, Josh Homme en a profité pour multiplier les projets : Them Crooked Vultures, Eagles of Death Metal, mais un évènement est venu enrailler la machine. En 2010, lors d’une intervention chirurgicale bénigne, le cœur de Homme s’arrête, il prétend même qu’il est resté mort pendant ces cours instants. Alité pendant des mois, Homme perd totalement le gout pour la musique et se voit très bien décrocher, avant d’être rattrapé par ce besoin vital de création, prouvant qu’après les déceptions, Homme avait encore quelque chose à raconter, et ce quelque chose s’intitule ...Like Clockwork. Le titre de l’album, «réglé comme du papier à musique» décrit exactement ce que n’a pas été le processus de création de l’album, entre sa convalescence et ses problèmes personnels avec son ami Joey Castillo batteur du groupe qui vont causer son départ, Homme et ses acolytes ont tellement répété cette expression comme un mantra qu’elle en est devenue le titre de l’album.

 Sur la pochette signée par le street artist britannique Boneface, la première lettre du nom du groupe est brisée par un trait de peinture rageur dont le bleu contraste avec le fond rouge vif, le message est clair : Homme a décidé de faire ce qu’il veut de son groupe quitte à se mettre à dos les amateurs des débuts. Dès les premières minutes Homme invite ses auditeurs avec un bel oxymore à faire abstraction du passé "Don’t look just keep your eyes peeled" (ne regarde pas, sois seulement attentif). L’album s’ouvre sur un rythme lent marqué par une batterie lourde et un charleston étouffant, souligné par la basse de Michael Shuman. Le chant et la guitare de Homme semblent essayer de s’échapper mais sont rattrapé par cette ambiance pesante, le reste du morceau achève de clouer l’auditeur à son siège pris par les changements de tempos et les breaks incessants. Beaucoup ont reproché à l’album d’être généralement mid tempo et il est vrai que le rythme n’est pas aussi rapide que sur les autres galettes du groupe, et que les Queens n’ont pas ressorti l’artillerie lourde et les murs de guitares comme auparavant. Cependant, considérer QOTSA comme un groupe de rock lourd et hypnotique n'est pas tout à fait exact, Homme a toujours écrit des chansons aux accents pop et on retrouve le talent de l’américain pour les mélodies accrocheuses dans "I Sat by the Ocean" ou "If I Had a Tail" par exemple. Il serait cependant malhonnête de prétendre que le discours du groupe s’est simplifié afin de plaire aux radios comme l’ont fait certains fans déçus. L’ambiance générale de l’album est mélancolique et sombre, dérangeante même à certains moments comme sur le court métrage qui accompagne les musiques de l’album, toujours signé par Boneface. Si les guitares ne sont plus les rampes de lancement des morceaux comme c'était le cas avant, (ils sont parfois construits autour du piano  : "…Like Clockwork", "The Vampire of Time and Memory", ou de la basse : "Keep your eyes peeled") elles occupent toujours la place la plus importante et les solos sont toujours très inspirés. Ce qui n'a pas plu aux fans c'est plutôt que le groupe a changé de registre sans toutefois perdre en personalité, cette volonté d'aller vers l'avant sans oublier le passé se retrouve dans le titre "My God is the Sun". Cette chanson, qui aurait pu très bien être un avatar de "No One Knows" ou "In My Head", garde une retenu grâce au travail sur les arrangements et la production (les claviers inquiétants à mi-parcours) au profit d’une certaine mélancolie et de la cohérence de l’ensemble. Le registre de Homme s’est aussi élargi, on passe d’une ballade comme "The Vampyre" aux ambiances funky et décadentes de "If I had a Tail" avant de se retrouver dans le délire dandy "Fairweather Friends". La production est impeccable (les guitares comme les autres instruments sonnent formidablement bien), et les arrangements sont très fouillés et subtiles comme sur "Kalopsia" et son travail sur les claviers et les guitares (cool et surf music dans les couplets avant de se déchaîner sur les refrains).

Image de la vidéo de "I Appear Missing" par Boneface
En dépit cette diversité, …Like Clockwork est un album qui garde une fantastique unité, il suit une réelle progression commençant lourdement pour s’achever de manière grandiose. Car même si il n’y a aucune chanson superflue ou en deçà du reste, la fin de l’album est certainement aussi son acmé. "I Appear Missing", déjà un classique du groupe, s’ouvre comme une ballade lancinante sur un rythme fracassant, ses multiples breaks, changements de rythme, et contretemps en font une incroyable montagne russe, la tension s’emballe plusieurs fois avant de retomber brusquement au moment même elle est prête à exploser, le tout s’achève lors d’un final dantesque lors duquel la guitare slide explose dans une mélodie à vous coller des frissons des pieds à la tête, soulignée par le reste du groupe et la basse dont la mélodie est ensuite reprise par le chant. Cette quasi-instantanéité entre la lourdeur des riffs saturés et les passages majestueux portés par les guitares claires était déjà présente dans d'autre morceaux de QOTSA, elle atteint ici son apogée. A la fin de cette incroyable coda, le piano revient pour un dernier morceau, "...Like Clockwork", sur lequel le chant de Homme repasse dans les aigües, sa voix, au fil des ans a acquis une maîtrise et une maturité formidable, mais "…Like Clockwork" n’est pas qu’une simple ballade, la guitare et le reste du groupe se rejoignent pour un dernier moment de grâce et un solo incandescent, les mots de Homme « It's all down hill from here» (ce sera plus facile maintenant) terminent le disque, après les épreuves arrive l’acceptation, l’amertume s'adoucit et l’album s’achève dans une conclusion lumineuse.